Le programme « Idmaj »
Le
gouvernement réaménage le dispositif «Idmaj» et institue une nouvelle mesure
pour les entreprises nouvellement créées. Dorénavant les stagiaires bénéficieront
de la couverture sociale.
Le
Programme Idmaj vise à accroître l'employabilité des demandeurs d'emploi. Il a
pour objectif d’accompagner l’entreprise dans la satisfaction de ses besoins en
compétence par le biais des diplômés porteurs de nouvelles aptitudes
professionnelles, de développer les
ressources humaines de l'entreprise, d’améliorer son encadrement et assurer
l’insertion des chercheurs d’emploi dans la vie active. Il porte sur l’emploi
salarié en général, tout aussi bien avec un contrat de droit commun qu’avec un
contrat d’insertion.
Le
gouvernement-déjà indiqué auparavant-s’est fixé comme objectif de réduire le
taux de chômage à 8% dans les limites de 2016. Cet objectif, qui figure déjà
dans la déclaration gouvernementale de janvier 2012, a encore été rappelé durant l’été 2014 comme pour
préfigurer les mesures qu’il allait prendre dans ce sens dans la Loi de
finances 2015. Et c’est en effet ce qui s’est produit.
Dans
le projet de Loi de finances soumis le 20 octobre à l’examen du Parlement, deux
mesures phares pour la promotion de l’emploi mais aussi pour la compétitivité
des entreprises, retiennent l’attention. La première, tout à fait nouvelle, est
un coup de pouce en faveur des entreprises nouvellement créées (entre le 1er
janvier 2015 et le 31 décembre 2019) : celles-ci sont exonérées pendant 24 mois
de l’impôt sur le revenu (IR) à hauteur d’un salaire mensuel brut de 10 000 DH,
des cotisations sociales et de la taxe professionnelle, dans la limite de cinq
salariés par entreprise, à condition que ceux-ci soient recrutés dans les deux
premières années suivant la date de création de l’entreprise et dans le cadre
d’un contrat à durée indéterminée (CDI).
Les
employeurs, semble-t-il, auraient aimé que cette mesure soit applicable à
toutes les entreprises, nouvelles ou anciennes.
La
deuxième mesure est l’exonération pendant 24 mois des cotisations sociales, de
la taxe professionnelle et de l’impôt sur le revenu au titre de l’indemnité de
stage, à hauteur de 6 000 DH, versée aux stagiaires titulaires de diplôme de
l’enseignement supérieur ou de la formation professionnelle ; et maintien des
exonérations précitées pour une année supplémentaire en cas de recrutement
définitif du stagiaire. Deux aménagements au moins ont été apportés à ce
dispositif. Le premier consiste à supprimer l’année supplémentaire
d’exonération accordée en cas de recrutement définitif. Le contrat Idmaj est
ainsi réduit à 24 mois. Mais à la différence de la situation actuelle, le
stagiaire, dans la version révisée du contrat Idmaj, va bénéficier des
prestations sociales, qui sont par ailleurs prises en charge par l’Etat au même
titre que l’impôt sur le revenu. D’une certaine manière, le fait que les
stagiaires actuellement ne bénéficient pas de la couverture sociale constitue
le talon d’Achille de ce dispositif. Cela a été souligné, à plusieurs reprises,
suite à des études menées par le gestionnaire du dispositif, l’Agence nationale
pour la promotion de l’emploi et des compétences (ANAPEC).
La
deuxième modification apportée au contrat de formation-insertion, c’est
l’obligation faite aux entreprises bénéficiaires des exonérations citées de
s’engager à recruter 60% des stagiaires de manière définitive, c’est-à-dire par
contrat à durée indéterminée. Ceci indique, au moins de façon implicite, que
les entreprises auraient tendance, sous le régime actuel, à «abuser» du contrat
Idmaj en y recourant seulement ou principalement pour bénéficier des
exonérations fiscales et sociales qui vont avec. En les obligeant à s’engager à
recruter au moins 60% des stagiaires, le gouvernement veut très clairement
optimiser les dépenses fiscales et sociales consenties à ce niveau, même si
celles-ci restent tout à fait modestes en raison des faibles salaires
distribués, souvent défiscalisés de fait. Et puis, pour les entreprises qui ont
probablement plus besoin d’aide, c’est-à-dire celles qui démarrent leurs
activités, l’effort est déjà conséquent avec une prise en charge publique du
coût salarial jusqu’à 10000 DH par mois, comme déjà indiqué.
C’est clair, la croissance économique au Maroc a un contenu
en emplois assez faible. D’où l’importance des mesures volontaristes de soutien
à l’emploi, comme Idmaj par exemple. Le bilan de ce dispositif, malgré les
insuffisances déjà évoquées, en particulier le non-octroi de la couverture
sociale aux stagiaires, est assez intéressant.
Selon
les statistiques de l’ANAPEC, en effet, le Contrat Idmaj a permis l’insertion
de quelque 410 000 chercheurs d’emploi entre 2006 (date du réaménagement de la
loi 16-93 qui l’a institué) et 2013. Cela fait une moyenne de plus de 50000
insertions par an. Avant 2006, à peine 20 000 insertions étaient réalisées
chaque année. Depuis, le nombre a été multiplié par plus de 2,5. Sur les huit
premiers mois de 2014, ce sont déjà 44 421 insertions qui ont été réalisées, et
on ne serait pas loin des 60000 à la fin de l’année.
Entre
2006 et 2013, le nombre d’emplois nets créés au Maroc s’établissait à 996000.
Dans ce total, une partie non négligeable revient aux contrats Idmaj. Si l’on
devait mettre de côté le phénomène du turnover observable et observé dans
certaines entreprises et ses implications sur la problématique de la création
d’emplois, on pourrait dire que les insertions ANAPEC au titre du contrat Idmaj
représenteraient quelque 40% de l’ensemble des postes créés entre 2006 et 2013.
Bien
entendu, tous les bénéficiaires du programme Idmaj ne font pas de vieux os dans
l’entreprise où ils ont fait leur stage. Mais, sur ce point, la balle est
plutôt du côté de l’entreprise. La révision du dispositif, on l’a dit, vise
précisément à améliorer le taux d’insertion à titre définitif.
Selon
les données du ministère de l’emploi à fin 2012, plus de 40% des bénéficiaires
du contrat Idmaj ont été insérés à l’issue du contrat, et 75% réussissent à
trouver un emploi douze mois après l’achèvement de la période de stage. Ce qui
veut dire que le contrat formation-insertion, à défaut de déboucher sur un taux
d’intégration beaucoup plus élevé des stagiaires dans l’entreprise, améliore,
malgré tout, leur employabilité. Cela aussi faisait partie des objectifs du
programme.
Pour
relativiser ces chiffres, il faut savoir que près de la moitié (46%) des
bénéficiaires de Idmaj écourtent la période de stage, pour une multitude de
raisons : absence de couverture sociale, salaire médiocre (environ 80% d’entre
eux toucheraient quelque 3 000 DH par mois), éventuellement une opportunité
offerte par la concurrence… Peut-être cela changera-t-il avec le réaménagement
du dispositif ? En tout cas, les entreprises, qui se plaignent régulièrement du
coût de la main-d’œuvre, ont là une opportunité pour améliorer leur
compétitivité. Et celles qui opèrent dans l’informel pour les mêmes raisons
devraient, elles, réfléchir à rejoindre le secteur organisé.
Redigé Par :
Saad Majjati
Youssef Nadim
Aymane
Benderder
Sources
: